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  De 1959 à nos jours...Les Maïca recensés ou attendus DiversEscales techniques...


À la hune : Tanit


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"Quand on aime..." [6066 lectures] 
 
  02/08/2012 05:47 par Webmaster supin 
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Tara*, le CMN n°6 qui resta la propriété de la famille Monod de 1962 à 2010 fête cette année son cinquantenaire au chevet de son cadet Raan (CMN n°24), accidenté l'année dernière à proximité de Roscoff où en 1929, celui qui deviendra le Professeur Monod, est à l'époque stagiaire à la Station biologique roscovite...

Avec la collaboration d'Olivier et Philippe Monod, Jean Hellequin, désormais propriétaire de ces deux Maïca "qui ne naviguent pas" nous raconte dans cette News ses deux premières années de tribulations au pays de la restauration de voiliers en bois...



Ci-contre, Tara et Raan au chantier Naval Minaouët Marine (Trégung 29)


* Webmaster : si quelqu'un sait comment insérer le trait sur les a de Tara, je suis preneur...




Ile de Batz, 1ère partie


Août 1929 : Jacques Monod, jeune scientifique, effectue son premier stage à la Station biologique de Roscoff où il fait la connaissance, déterminante pour sa carrière, de deux scientifiques : Georges Teissier et André Lwoff. Mais c'est également l'occasion pour lui, de découvrir les rivages de Roscoff et de l'Ile de Batz. Comment imaginer que cet esprit curieux, violoncelliste de talent, ne tombe sous le charme de cette côte et de la navigation...
Après l'expérience en 1934 d'une expédition scientifique le long de la côte orientale du Groenland, à bord du « Pourquoi Pas ? » du commandant Charcot, il navigue en Méditerranée sur un Sharpie, un Corsaire puis une Bonite. Tombé amoureux du Maïca, il acquiert Tara, CMN n°6, qui est mise à l'eau à Cherbourg en 1962. Un an plus tard, Tara est convoyée de Cherbourg à Cannes. A-t-elle fait escale à Roscoff ? Philippe Monod pourrait nous le dire, les cartes de détails des côtes bretonnes trouvées à bord de Tara y attestant l'intérêt de Jacques Monod.

Août 2010 : je suis à la recherche d'un beau bateau ayant une histoire et pourquoi pas à restaurer avant sa remise à l'eau. Sur les conseils de Stéphane Hupin, initiateur de Class Maïca, contact est pris auprès d'Olivier Monod : Tara est toujours restée la propriété des enfants de Jacques Monod depuis son décès en 1976 mais, avec les années qui passent, des problèmes de santé les contraignent à trouver une « famille d'accueil » au bateau de leur père. Le courant passe immédiatement avec Olivier qui me reçoit à Cannes avec beaucoup de gentillesse. Nos recherches sont complémentaires. Un mois plus tard, je suis propriétaire de ce bateau, avec la ferme intention de tout mettre en oeuvre pour sa restauration.
Le départ de Tara vers la Bretagne se fera très rapidement mais soigneusement grâce à la vigilance d'Olivier Monod car les Régates Royales à Cannes mobilisent beaucoup de transporteurs routiers. Stéphane me sort une épine du pied en organisant sa réception au Chantier Naval Le Borgne à Baden où il a déjà son Maïca à tableau Eider II et où il compte transférer son activité.

30 novembre 2011 : Tara est sous hangar depuis plus d'un an à Baden. Je me rends à son bord, un jour par semaine. Une heure de route de mon domicile, chaque journée de travail est une expédition. Aller, le coffre de voiture plein d'outils. Casse-croûte express le midi. Retour en break, débordant des pièces démontées. Un voyage « gratuit » se fera en brûlant les fonds de cuves à gasoil de Tara afin de ne pas souiller l'ntérieur de la voiture, chargée des deux précieux réservoirs.
Les aménagements intérieurs ont été entièrement démontés, ainsi que le cockpit, afin d'atteindre les 21 varangues en acier zingué. Ces dernières montrent de graves signes de corrosion. Sur Tara, CMN de première génération, elles sont à l'origine vissées sur la quille par des tirefonds inox. Au fil des années, la corrosion galvanique a réalisé son oeuvre destructrice sur les varangues et leurs douze boulons de membrures. Un défaut de ventilation a probablement aggravé le phénomène. Courant 1963, les CMN tenteront de corriger ce défaut par des tirefonds zingués. En même temps, le Maïca sera remis dans ses lignes d'eau par l'adoption d'un lest plomb, fixé par des goujons en Cuivre-Béryllium (Cupro Béryllium), à la place des goujons en acier zingués.


Si Tara est un Maïca de première génération, le plan remis par le chantier à Jacques Monod en 1962 présente un lest de seconde génération, preuve que cette correction était déjà dans les cartons lors de l'acquisition du bateau.

Après démontage des passe coques bronze, le bordé est mis à nu dans ses oeuvres vives par ponçage du stratifié polyester. Un sablage, aussi sauvage qu'imprévu, réalisé à l'initiative du chantier ne me laisse pas le choix des moyens. Sur Tara, cette opération se réduira à une dépense inutile. Pour Eider II, son compagnon d'infortune, le sablage du bordé jointif Grand Bassam est bien pire. L'imbroglio technico-juridique court toujours, au grand dam de son propriétaire.
La dépose des boulons de varangue se révèlera un travail de patience. Leur état de corrosion majeur nous impose de travailler par arrachement, tout en douceur. La saisie des têtes de boulons par l'extérieur du bordé nécessitant de l'entamer au ciseau à bois, nous rejetons cette option destructrice et choisissons de les extraire de l'extérieur vers l'intérieur : ablation de la tête de boulon par perçage en 4 puis 8 mm, dépose de l'écrou au casse écrou afin d'en préserver le filetage, pose de l'extracteur à vis puis enfin arrachage de la tige de boulon à travers la varangue. Le tout multiplié par 21 X 12 = 252 pièces !
Jean-Noël, (ancien second puis skipper de Trident) mon binôme indéfectible dans le projet, m'apportera son aide précieuse.
La phase de dépose arrive à son terme en même temps que mes compétences. Il est temps qu'un professionnel se charge de la suite des travaux...

Hiver 2011-2012 : j'ai 53 ans depuis deux jours.
Par une triste journée pluvieuse, Tara est chargée sur un semi-remorque au CN Le Borgne ; seule Betty sortira du secrétariat pour nous dire au revoir...
Ces allers et retours dans le Morbihan m'ont usé ; cap donc sur le Finistère où l'avenir de Tara se joue désormais sur une rive du Minaouët.
Marc Bourhis, directeur du Chantier Minaouët Marine de Trégunc et moi-même trouvons un accord : Tara sera installée dans le « hangar bricoleur » du chantier. Guy Luc, son charpentier, le prendra en main aux beaux jours. Le bateau sera délesté, les pieds de membrures seront refaits en lamellé. La coque sera alors retournée quille en l'air (position foetale des Maïca CMN) pour réfection du bordé puis traitement époxy.

Tara, sous son hangar niché au fond de la ria, entrevoit son élément préféré à chaque marée. La proximité du chantier, une alimentation électrique et un bois de pin en guise de vespasienne inopinée, suffisent à mon confort de bricoleur. L'attente des beaux jours est mise à profit pour mettre à nu le stratifié des oeuvres mortes. Trois points douteux seront décelés, rien de bien méchant. Suite à l'article paru dans la revue Voiles et Voiliers, retraçant la vie de plaisancier du Professeur Monod, Stéphane reprend contact avec moi. Nous convenons d'un rendez-vous au Chantier du Golfe, afin de détailler les restaurations d'Actéia II et de Tanit. Bien entendu, Jean-Noël est du voyage.



Ile de Batz, 2ème partie


« Jean, ça te dirait un lest en plomb pour Tara ? » Cette phrase de Stéphane, arrête net le crépitement de mon appareil photo. J'apprends que les roches de l'île de Batz ont eu raison de Raan, Maïca CMN n°24. Le bateau a heurté une roche à 8 noeuds-fond. L'ampleur des dégâts oblige Olivier Beau, son propriétaire, à renoncer à sa réparation et l'ancien vainqueur de Saint-Malo/Plymouth est promis à disparaître sous les dents de la tractopelle...
Une visite à bord de Raan, toujours accompagné de Jean-Noël, nous confirme que le bateau était bien entretenu et doté d'un équipement très complet. Malheureusement pour nous, le mât Sparlight d'origine est déjà promis à un acheteur. Olivier Beau est séduit par l'idée de céder des pièces au profit de Tara ; ainsi Raan continuera à naviguer à travers un autre Maïca. Au fil des discutions avec Jean-Noël, la liste des pièces s'allonge, s'allonge, puis s'allonge encore. Une rencontre est alors programmée au chantier. Guy Luc, le charpentier approuve la démarche. Marc Bourhis qui suit silencieusement mon exposé m'interrompt :
- « Je vais peux être avoir une idée idiote, pourquoi pas acheter le tout ? »
- « Ça tombe bien, j'avais la même ! »
Là, je retrouve le mécano de formation : nous avions dans notre jeunesse connu ce raisonnement pour les mobylettes puis plus tard pour les motos ; de l'avis de Guy-Luc, pour un bateau bois de 50 ans, c'est une première !
Il nous paraît donc plus simple d'acheter tout le bateau, de le faire rapatrier au chantier Minaouët Marine. Là, nous procèderons aux démontages des pièces au fur et à mesure de l'avancée des travaux de Tara. Les pièces inutilisées seront conservées au bénéfice d'autres Maïca. Ainsi, distribuées sur le plus grand nombre, Raan, le plus généreux des bateaux de la série, accumulera dans sa nouvelle vie le plus grand nombre de milles. Olivier Beau nous cède donc l'ensemble au prix du plomb, sauf le gréement (promis), et le moteur (vendu), et la moitié du devis de reconstruction des varangues. Profitant d'une visite sur sa future acquisition à Lorient, nous signons l'acte de vente. Moment historique : je deviens le premier propriétaire de deux Maïca, tous deux hors d'état de naviguer ! Quand ont aime...

Et de deux : la difficulté d'accès au chantier hébergeant Raan à Trégastel, me fait faire appel au transporteur l'ayant précédemment déposé. La décision est prise de le transporter le vendredi 29 juin. Aimablement, Olivier Beau me propose de superviser le chargement de Raan. Entretemps, je reçois un courriel de sa part : l'acheteur potentiel du gréement s'est finalement rétracté. Nouvelle chance pour Tara : le Sparlight et ses tangons d'origine ainsi qu'une bôme à ris en bois (neuve), une grand-voile (neuve), et le génois sur enrouleur seront du voyage.
Les deux Maïca sont actuellement sous hangar côte à côte. Tara entre en réparation, tandis que débute le prélèvement des pièces de Raan. Dans sa vie nouvelle, Tara portera au volet de sa table à carte, une plaque de cuivre au nom de son donneur d'organes.



Jean Hellequin avec la collaboration de Olivier et Philippe Monod



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Lire aussi :

Voiles&Voiliers n°494 d'avril 2012

PORTRAIT
par Eric Vibart

Jacques Monod : «Les marins n'aiment que leurs bateaux»

Jacques Monod, prix Nobel de médecine en 1965 avec André Lwoff et François Jacob, auteur d'un remarquable essai «Le Hasard et la Nécessité», fut un plaisancier enthousiaste.
Chercheur charismatique, directeur de l'Institut Pasteur, il ne perdit jamais une occasion de s'évader en mer...

 
 
 
 
 
 

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